18 October 2009

Par la bouche

Deux personnes extra-lucides ou extra-sensibles si on veut, m’ont dit que je n’étais « pas bien incarnée ». Pour me donner corps sans doute j’ouvre grand la bouche et j’ingurgite rôtis, volailles, gigues et cuissots, et même des cuisseaux pour faire plaisir à tout le monde ; je sens descendre dans ma gorge pâtes et pâtées, des crèmes, des veloutés ; ruisseaux frais, bulles grondantes, breuvages tanniques, floraux, minéraux, des sauces et des purées ; attention à ne pas glisser, vous aussi qui me regardez, dans mon gosier.
J’ai peut-être gardé plus que d’autres la marque de l’époque où je découvrais tout par la bouche, où mes doigts sans aucun doute potelés me servaient de passe-plat. Tant que j’avale, je ne parle pas. Je respire, je digère, je régurgite ce que je n’ai pas pu digérer. Parler, c’est vomir un peu.

30 August 2009

Les histoires d'amour commencent bien

Entre les petites morts, des murmures
Et puis parjure, déconfiture.
Moi je préfère, éclaboussure, paire de chaussures, je les mets pour vous, je les ôte pour vous.
Et encore s’il vous plaît, des petites morts, et des murmures.

Chère Lizzy - Vendôme

Chère Lizzy,
Je m’ennuie si tu savais. Pourtant un beau petit week-end, au charme suranné, comme une plongée en avant vers ce que pourrait être la fin de ma vie. Descente au sud de Paris vers Vendôme, chez l'oncle de Pierre. Tonton Jean, presque quatre-vingt ans, droit comme un i et en paraissant soixante-cinq, père de six enfants par trois femmes différentes et n'espérant plus de la vie que la visite de ses maîtresses -encore empressées. Pierre lui-même, plus tout jeune mais qui reste son "petit neveu"... Pierre a travaillé toute la nuit pour terminer la configuration de l'ordinateur de tonton qu'il était venu livrer. J'avais pourtant mis une jupe, des chaussures de femme et des bas transparents. Je me suis éclipsée à midi pour flâner dans la petite ville charmante, installée sur les bords d'une rivière. Au bout du chemin, le marché aux puces. Pas de puces là-dedans, tout était frotté, lessivé, étiqueté -cher. Je suis revenue avec trois livres et des macarons très vieille France trouvés à l'une des cinq pâtisseries. Vendôme, depuis mon enfance, c'est cette chanson : "Orléans, Beaugency, Notre Dame de Cléry, Vendôme, Vendôme, Quel chagrin, quel ennui, de compter toutes les nuits les heures, les heures..." D'ailleurs je suis passée devant le clocher au moment où il sonnait cette même mélodie en guise de carillon ! Dans les minutes qui ont suivi, j'entendais les gens siffloter le même air. Il faisait un soleil magnifique; je me suis arrêtée sur le pont pour observer un arbre "planté en 1759", mais suis vite repartie; les pêcheurs m’ayant prise pour un joli gardon. « Attention à ne pas tomber Madame ! » La petite maison de l'oncle est un bel exemple ce que j'imagine du bon goût rétro provincial. Elle a tout ce qu'il faut pour cela: un escalier grinçant au milieu du séjour, un minuscule balcon, une terrasse fleurie, un grenier aménagé, une vraie cuisine baignée de lumière qui donne sur la terrasse. Les repas préparés amoureusement par l'oncle ont achevé le tableau d'une France tranquille comme une rivière en été: carottes râpées, céleri rémoulade, moules frites, blanquette de veau, fromage blanc aux herbes, hareng saurs aux rattes et aux oignons crus, fromages affinés, chili (pour la note exotique) et des tuiles maison... J'ai pris deux kilos.

Je suis une châtelaine
Je suis une fille qui se déroule dans la boue
Je suis une vieille dame qui se gèle les fesses sur son banc de Pierre

23 August 2009

Confiserie

J'enrobe un souvenir
De mon sirop
Du bout des doigts

Il se trame du sucre

18 August 2009

Chère Lizzy - Paris

Chère Lizzy ,


En attendant qu’on se voie pour papoter, voici mes impressions par écrit de mon week-end à Paris. Je reviens d'un autre monde!

C'était comme une fête qui a duré 2 jours; je suis sur les rotules; je crois que je vais prendre congé demain, je tiens à peine debout.

Nuit impromptue avec M., qui est venu avec moi en voiture (c'est un pote de D.); c'était parfait: un vrai flirt sans sentiments, juste de la baise gentille et spontanée. Tout le w-e avait un caractère spontané, festif. Le déjeuner avec Matteo... enfin je veux dire avec Frankenstein... incroyable. Le mec le plus laid que j'ai rencontré de ma vie. Il était vert, oui, comme un monstre phosphorescent, l'œil malade et le cheveu qui s'étiolait sur la partie gauche du front uniquement, des mains de cire couvertes de longues touffes de poils noirs éparses, un pantalon gris à pli avec un blouson verdâtre ou beige comme lui, de faux mocassins à boucle dorée, mais le pire c’était sa manière parler. Il a 27 ans, en paraît 17 et parle comme s'il en avait 12. J'avais envie de vomir, surtout que je m'étais levée le matin en sachant que je ne devais pas y aller. C'est la dernière fois que je ne m'écoute pas!!!! Coucher avec lui? Plutôt devenir nécrophile. Sinon presque pas dormi, énormément mangé, un peu bu, beaucoup marché, sous le soleil mais j'ai pris froid. La Place des Vosges avec des musiciens tziganes... L'ébauchoir, merveilleux restaurant (crème de châtaigne à la coriandre, blanc-manger aux framboises...) et un arrêt touristique dans une boutique SM. Je ne pensais pas qu'un écraseur de couilles coûtait si cher. Tu passes quand tu veux.

Bisous,

Lizzy

PS: Vivement l'amour quand-même

Kiffer

Quoi faire, qu'y faire? Rien, juste dormir longtemps et se réveiller devant lui.

Amazone

Elle ne veut pas. Elle veut rester dans sa caverne, pour éviter le manque, celui qui vient de presque rien, qui pousse sur des regards ou une parole et remplit une bulle si énorme qu’on n’en distingue plus les contours. Elle ne veut plus se battre pour l’amour. Amazone à la retraite, son cœur affleure à la cicatrice et menace de la quitter.

14 August 2009

Histoire (d’Amour) Universelle

Dans l’Histoire d’Amour Universelle, il y a tout, le bon la brute et le truand, la porcelaine et l’éléphant, les poèmes de Dante à l’oreille, les murmures insolents, les rumeurs et les outrages, fussent-il derniers, les peaux-cibles, le corps qui ne répond plus, les retrouvailles, les sursis, les puits où l’on se laisse glisser, les bateaux, les ivresses, la télépathie, les mots de travers, les ponts-levis et les herses, les chemins de traverse, les échos et les retours, les livres laissés sur un banc, les livres trouvés sur un banc, les questions de but en blanc, les jeux d’adresse, les croyances, les défis, les déroutes, les explosions, les éclosions, le silence mais il se fait rare, le courant alternatif, les contresens, parfois sur l’autoroute, les voyages en scooter, à zéro à l’heure, et surtout il y a le miracle : l’Autre.
Enfin comme dirait ma meilleure amie, un bon bouquin, une bonne p… dans le c… c’est pas mal non plus.

28 June 2009

Au cours d'un week-end familial à la mer...

... où l'on célébrait dans le désordre une naissance, l'anniversaire d'un enterrement, l'arrivée d'un nouveau beau-frère et le passage du cap de la quarantaine des "trois belles petites jumelles", 121 ans et 203 kg, fiertés de leurs papa et maman malgré les dérives sentimentales et le cholestérol, je me demandai au bout de trois minutes ce que je faisais là, comment j'avais pu naître dans cette famille bruyante et vorace, où l'on rit beaucoup mais assez gras somme toute, bien que le père, svelte et un modèle de calme et d'humour britannique, y fasse figure d'extra-terrestre. Ma sœur qui a repris le violon et s'est offert l'équivalent de 26 cafetières Senseo en la splendeur d'un instrument datant de 1890, joue drôlement bien et on a découvert qu'on travaillait les mêmes morceaux chacune de son côté. Je me suis donc régalée avec elle; ça faisait deux ans que j'espérais trouver quelqu'un avec qui pratiquer mes Piazolla. Son nouveau jules est adorable et ils s'entendent à merveille. Ça nous fait très plaisir à tous. La révélation est venue sans prévenir, par la bibliothèque de cette maison de location, douillette il faut dire et sans rideaux à motifs ethniques mais plutôt en draps de lin anciens à jour Venise. Agréable surprise d'une déco inspirée d'Uzès et du goût belge aussi. Voici un livre qui résonne d'un nom qui flottait autrefois au-dessus des pages du catalogue France-Loisirs de mes enfances. Rafaële Billetdoux raconte son père par les lettres qu'il lui a laissées sur le bord du lavabo; déjà je suis jalouse. Dès les premières pages, je suis en réalité horrifiée par les similitudes dans la mélancolie et l'ouvrage tourmenté de la langue, entre cette raconteuse de billets et moi-même. Quels abîmes inutiles; je les reconnais bien, je m'y suis vautrée tant d'années. La langue y est très française, très précieuse et pétrie de douleurs. Le père qui vit au dernier étage de la maison (la mère au premier) ne communique avec ses trois filles que par arabesques épistolaires. Tout y passe, des premières règles commentées au plus-que-parfait, au refus de la surboum de peur de déplacer de la poussière. Les lettres en écho des trois très jeunes filles, qui espèrent de leur géniteur un atome de présence, pratiquent le désir distancié et pudique, sur le fil d'une peine inconsolable. Finalement j'ai bien fait de ne pas naître dans une famille d'intellos. Mais, autre similitude quand-même, je reproche à ma mère de ne pas parler comme elle peut écrire.
Je prends le temps, j’envahis les minutes restantes avant le départ de toute mon intensité reconnaissante et remercie ma mère en luttant contre un sanglot, pour les si belles et si touchantes missives qu’elle m’a adressées ces derniers mois. La mise à nu des sentiments, tendres ou rageurs, me fait souvent pleurer, parce que j'ai été habituée à d'autres conversations, périphériques. Je veux bien parler des nuages qui passent, parce que ce sont plus que des nuages, ou parce que ce sont vraiment des nuages, mais j'essaye de ne plus parler à côté des mots, quoi qu'il m'en coûte (en Kleenex).

Des femmes de ma vie

Il y a celle qui pose
A la recherche de l’innocence
Amante assommante
Faussement concernée
Elle a déjà oublié
Même qui elle est


Et puis la liane
Brune à la peau tendue
Elle éclôt un mystère
Derrière sa médiane
Violette. Je l’aime


La callipyge impériale
Ronde et souple
Son sourire en caoutchouc
Flotte sur le brasier d’icelle
Qui est-elle ? Un dragon, rempli de désirs ?
Hautaine pour faire son passage ?
Mais, dans sa rondeur, elle m’aime…


La déesse, parfaite
Des reflets roses dans ses cheveux
Eve en son jardin, ne doutant que de sa beauté
Son rayonnement est l’or
Que cherchait l’alchimiste
La pierre philosophale,
C’est mon regard sur elle.


Comme une lune douce
Cachée derrière ses jalousies
Les pans de sa robe dépassent
En éventail troublant
Un globe impénétrable
Toute une vie dépolie
On a léché son sang
Des chiens sur la paille
Un mystère coagulé

Je la connais à peine
Pour l’instant c’est sa voix
Qui résonne ; j’entends sa source claire
Quand elle m’écrit
Petit Prince aux grands yeux
Elle m’inspire un dialogue amoureux


Elle est sensible à la lumière
Elle est photographe


Acidulée, adulée
Allégorique d’une épopée envisagée
Elle sourit d’un amour
Frigorifique


Elle récrimine, mutine
Son corps s’est tu pourtant
Paravent hors de l’axe
Paradoxe désolant


Elle veut tout, elle est ailleurs
Dans des bracelets
Elle paresse
Jusqu’à ce que jeunesse
Se passe…
D’elle


Elle susurre en douceur
Et ses chairs débordent
Aspirateur au grand cœur
Quelqu’un sans doute
S’y perdra

Au chocolat ou pas

J'aime la mousse,
Le crémeux où ma bouche
Touche sans défaut
Ni prendre ni pris
Des bulles à l'infini
La vie sur coussin d'air

27 April 2009

Under REconstruction!

I am reworking this blog entirely; thanks for being patient with cobwebs, paintwork dust and spots, boxes unopened yet and mismatches...

24 April 2009

Je n'aime pas les chiens

Je ne pourrais pas avoir un chien, je l’oublierais dans un coin ou alors je ne supporterais pas notre différence et je me mettrais à quatre pattes pour le suivre, la langue pendante, pour m’éviter de lui donner un coup de pied au derrière. ¨Pourtant, deux de mes tableaux préférés –j’en possède un et l’autre je l’ai en carte postale- représentent des chiens ! Un berger allemand et un caniche. A part le teckel, je ne vois pas pire. Les chiens, ça pue, ça vous lèche sans demander la permission, ça aboie trop et ça fait des crottes immondes, surtout si vous leur donnez des boîtes à manger, qui contiennent d’ailleurs sans doute plus de merde que de réelle nourriture. Même si vous leur donniez de la viande, les cacas de mangeurs de viande, ça pue c’est bien connu. C’est pour cette raison que tout le monde adore les bouses de vache et dit : « ooh, ça sent la campagne ! » Finalement on préfère enfoncer sa tong dans une bouse –un coup de jet d’eau et on repart gambader- que marcher avec une chaussure, qui n’est pas un pied, dans une crotte de chien. A la maison j’ai une vieille brosse à dents qui ne sert qu’à ça : nettoyer les chaussures de ville qui se sont prises pour des tongs à la ferme. Mais depuis que j’habite dans un quartier marocain en ville, je ne me sers plus de cette brosse à dents détournée. Les marocains n’ont pas de chiens. Ils boivent du Coca et mangent des chips. Revenons à cette vache. Donnez-lui autre chose à brouter que son pré et vous connaissez le résultat. Elle devient folle. Et les gouvernements avec, surtout le gouvernement français qui, dans le souci de rassurer sa population de steakeurs à toute heure, avait créé à l’époque un label bleu-blanc-rouge avec de belles initiales, je vous le donne en mille : VF. Pour vache folle? Non, viande française. Je hais les abréviations et autres acronymes. Ca ne me rassure pas. J’ai besoin de savoir ce qui se cache dessous, derrière, en travers. C’est parce que je veux tout savoir. Comme c’est impossible et que ça me ferait exploser le cerveau comme Cate Blanchett dans Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, je me rassure en demandant systématiquement : comment ça s’écrit ? Ca veut dire quoi l’abréviation ? C’est l’acronyme de quoi ? J’aime les très longs titres de films, comme Indiana Jones et le Royaume du Crâne de Cristal, ou Comment je me suis disputé (ma vie sexuelle) d’Arnaud Desplechin (je sais le nom de l’auteur ne fait pas partie du titre mais ça donne envie qu’il en fasse partie), ou C'est pas parce qu'on a rien à dire qu'il faut fermer sa gueule. Ca fait du bien quand on arrive à dire tout le titre en entier. Ca donne l’impression d’avoir une sacrée mémoire. Ca donne l’impression qu’on a déjà raconté toute une histoire avec quelques mots. Pour les paresseuses comme moi, c’est jubilatoire.

Je n’aime pas les chats sauf les miens

Je n’aime pas les chats sauf les miens, et encore. Je ne me souviens pas avoir aimé profondément un animal. Le seul qui m’ait ému particulièrement c’était un marabout, dans un zoo, (of course, pas dans un de ces pays où je n’ai hélas encore jamais mis les pieds, ambitieuse inculte que je suis), un marabout donc, qui tournait le dos à ses visiteurs, son petit crâne chauve piqué de cheveux hirsutes et solitaires, penché sur quelque réflexion. Son manteau noir, son crâne rose et sa posture méditative m’ont rendue amoureuse et j’avais envie de rester là près de lui. Doux délires anthropomorphiques… J’ai compris un peu plus tard que j’aimais dans ce marabout la figure grand-paternelle aux cheveux gris. Mon grand-père, ce hors-la-loi que j’ai tant aimé. Donc c’est clair, je n’aime pas les animaux. J’aime les bébés animaux comme tout le monde, pour leur innocence, comme un cadeau à observer, comme un état à portée de main et pourtant inaccessible. Mais j’ai besoin d’entrer en relation avec les êtres vivants, d’échanger avec eux. A la limite je m’entends mieux avec les arbres puisqu’ils n’émettent aucun son audible par mon oreille humaine, et qu’ils sont relativement immobiles quoique capable de grandir de plusieurs mètres et de vivre des centaines d’années ; je ne peux pas en dire autant. Puisqu'ils ne sont pas censés parler et qu'ils ne viennent pas se frotter contre moi, je n'ai rien à exiger d'eux. J’aime le silence des arbres et leur pose, promesse d’une sagesse et d’une connaissance incommensurables. A la manière de ce marabout sans doute. Je ne suis pas très affectueuse avec mes chats, les pauvres. J’en ai voulu deux d’un coup pour qu’ils ne s’ennuient pas. Les enfants en réclamaient depuis longtemps. Ils m’ont apprivoisée et désormais je sais que je serais triste de leur absence. Je le sais parce nous les avons perdus une fois. C’était angoissant. L’un est revenu après cinq jours, l’autre trois semaines. Toute existence terrestre suppose une disparition subséquente. D’autres le disent ainsi : on va tous crever. C’est dur quand on y pense. Avant la présence, il y a l’innocence, ne pas savoir qu’il y aura. Pas de souffrance donc. Quand on souffre du manque d’un amour ou d’un enfant qui n’est pas encore arrivé, c’est qu’on l’a déjà élaboré dans sa tête, cet amour, cette personne. Elle existe dans notre esprit et elle nous manque de ne pas être incarnée. La mort à l’envers ? Comme le chante Björk : I miss you, but I haven’t met you yet… Mes chats sont adorables ! Ils ont des lubies. L’un lèche inlassablement des sacs plastiques et l’autre se précipite entre vos jambes dès que vous sortez de la douche pour se frotter sur la peau mouillée. Ces choses-là n’existeront plus un jour mais on ne pourra jamais leur ôter d’avoir été. C’est là que la mémoire intervient, vilaine mémoire qui ne fait pas que du bien. Mais j’en parlerai une autre fois.

à déclamer...

Parce que certains mots sont meilleurs à l'oral qu'à l'écrit:

"Avant... je me prenais pour une mousse au chocolat... mais je n'étais qu'un pavé... ardéchois!"