27 December 2010

Noël hystérique au pied des Cévennes

Apéritif au salon. Olivier apparaît dans un costume tout neuf, gris un peu brillant et les cheveux quasiment gominés. Il ouvre sa veste : "Devinez le prix". Maman arrive avec un minuteur. Ting ting sur son verre de Cartagène, l'inévitable vin cuit local, délicieux par ailleurs : "Je vous préviens, je vais mettre les coquilles au four tout à l'heure, ça dure cinq minutes! Quand c'est prêt il faut venir immédiatement !" Le minuteur n'est pas en forme de poule ni de tomate. On dirait plutôt un élément de tableau de bord d'une voiture de course. Maman observe le cadran; les cinq minutes semblent s'être écoulées mais le minuteur reste coi. Elle finit par décider que les coquilles sont prêtes. Sauf qu'en arrivant à la cuisine elle s'aperçoit qu'une des coquilles est restée sur le carreau. Maman court du four à la table au four à la table, qui se trouvent à moins d'un mètre l'un de l'autre.


"Ce n'est pas grave asseyez-vous quand même, je la mets vite fait au four, le temps qu'on s'installe et qu'on serve le vin... Alors... je tiens à remercier Sylvie qui nous fait cadeau des noix de Saint-Jacques, qu'elle a préparées elle-même." Tête penchée et flattée de l'intéressée, exclamations reconnaissantes de la tablée. Les coquilles de Maman... Des noix sans corail, juste un peu de champignon, d'échalote et de crème -on n'est pas normands pour rien, et le vin même n'a plus d'importance.


L'assemblée épilogue sur les bienfaits du chlorure de magnésium. Isabelle en prend un verre à jeun chaque matin pour conjurer le rhume. "Il paraît que c'est efficace pour des tas de choses. Par exemple si on l'applique sur une brûlure, la douleur disparaît. Je ne comprends pas pourquoi ce remède n'est pas plus connu. Il faut dire que c'est infâme à boire, c'est comme de l'eau de mer additionnée de chlore. Bon quelqu'un n'a pas envie de se brûler par hasard, qu'on teste?"


En servant le gigot-flageolets, Olivier verse du jus de viande fumant dans le dos de Sylvie. Celle-ci pousse un cri et bondit, se précipite loin de la table tandis qu'Olivier la poursuit un torchon à la main en essayant de frotter sa robe. Sylvie halète de plus belle. "Ca brûle, ça brûle!" Olivier, l'air fâché : "Mais laisse-moi faire!" Sylvie, tragédienne: "Non ça brûle encore plus !" Olivier, franchement courroucé et les sourcils en V, ce qui est en réalité son expression faciale de tous les jours : "Mais je voulais juste t'aider !" La voix de Sylvie se brise. Animal blessé, elle s'isole à l'étage. Olivier : "M'enfin je voulais juste l'aider et elle se fâche !"

Isabelle : "T'excuser ç'aurait peut-être été suffisant. C'est toi qui te fâches sur elle alors que tu lui as fait mal. Bon, mission chlorure de magnésium. A tout à l'heure." Il semble que la solution qu'Isabelle boit tous les matins soit souveraine aussi sur la brûlure du jour. Sylvie troque sa tenue de fête dont elle était si fière, surtout les escarpins à nœud de strass au talon, contre un jean et un petit pull. Isabelle et Sylvie rejoignent la tablée sous une pluie de "alors, ça va?". Isabelle, méprisante : "C'est une brûlure. Une brûlure ça fait mal".


Quelques minutes plus tard Isabelle s'aperçoit que Sylvie et elle viennent de terminer leur assiette de gigot avant les autres, ce qui fait naître en elle un doute affreux : "Vous vous êtes resservis pendant qu'on était là-haut? Il n'y a déjà plus de flageolets !" Papa clôture le repas en se servant un grand verre d'eau, qu'il court recracher dans l'évier comme si c'était de l'essence. "Mais qu'est-ce que c'est que ça?! C'est abominable!". Il faut dire qu'Isabelle avait préparé son litre de solution de chlorure de magnésium dans une bouteille d'eau de source, sans en changer l'étiquette.


Sylvie se lève et se retourne deux orteils sur une chaise en métal. Nouvelle grimace de douleur. Olivier et Isabelle partent d'un fou rire en proposant à Sylvie de lui renverser des flageolets sur le pied.


La bûche maison, à la noix de coco, fourrée mousse au chocolat, était divine.

26 November 2010

En gestation

Je flotte dans l’océan du temps
Loin de la foule qui grouille d’ennui
Je n’écoute plus les affairés
J’attends de faire jaillir
Le sperme de mes idées
Je préfère les rimes internes
Je m’éloigne parfois
Après avoir pêché un détail
Offert par un autre, compagnon innocent
Lui, elle, même un chien qui passe dans la poussière du levant,
A ce pouvoir
De rendre tout
Intéressant

07 October 2010

Socrate disait

Tout ce que je sais c'est que je ne sais rien.

Moi je dis

I know everything but I don't know it

23 July 2010

La propreté c'est dégoûtant

Ma grande amie qui pense que je suis plus littéraire qu’elle alors qu’elle me bat toute l’année à dix livres contre un, m’a offert, en partie parce que nous sommes toutes les deux normandes d’origine, l’opus doloris de Florence Aubenas, Le Quai de Ouistreham. Ouistreham est la ville portuaire proche de Caen où le ferry fait la jonction entre la France et l’Angleterre. La journaliste relate sa recherche fictive d’un emploi avec pour tout bagage un baccalauréat et vingt ans d’inactivité. Elle ne change pas son nom, juste sa couleur de cheveux et se met dans la peau d’une chercheuse d’emploi sans qualification. Puisqu’elle est prête à « tout faire », on l’oriente rapidement vers une spécialisation dans la propreté. Rien que pour manœuvrer une shampooineuse il faut presque un permis. De formations en ateliers CV, de remplacements en missions impossibles (effectuer un travail de cinq heures en trois seulement ou nettoyer une douche dont la couche de crasse et de cambouis se renouvelle chaque matin), elle obtient enfin le pire poste possible, celui que même les spécialistes de la propreté entre eux recommandent de ne jamais accepter : le ferry aux petites heures, entre deux traversées. Le pire donc le meilleur pour une journaliste. Il lui faut toucher au plus vrai, descendre au fond de la mine, dans ce cas-ci à quatre pattes dans une cabine microscopique à briquer en trois minutes maximum.

Pourquoi n’a-t-elle pas essayé de travailler dans un fast-food ? On aurait fini par la reconnaître. Elle aurait pu insister pour obtenir une formation de réceptionniste. Aucun intérêt pour son livre. Elle aurait tout juste pu récolter des idées pour agrémenter les intrigues de quelque série télé. Et elle n’aurait pas exploré le monde tragique des hommes et femmes de ménage. Je n'aurais pas aimé être à sa place quand elle a dû annoncer à ses "anciennes collègues" qu'elle n'était pas débutante en propreté mais journaliste. La volonté de mettre à jour les réalités physiques et économiques vécues par ces travailleurs du bas de l’échelle, pour mieux les défendre certainement, a-t-elle pris le dessus sur l’inévitable sentiment de trahison ? Le soir de la révélation, dans les chaumières bernées, est-ce qu’on cherche à consolider sa position sur l’échelle ? « Si tu ne sais pas récurer, ma fille, tu termineras journaliste. Tu seras obligée de mentir aux gens pour gagner ton pain. ». Il me semble que la démarche de reporter est motivée par une psychanalyse personnelle irrésistible. Oui le rapport est accablant pour le système d'accompagnement des chômeurs peu qualifiés et pour la législation du travail qui autorise et même favorise la précarité. Mais ce que je vois aussi c'est Florence à qui sa mère avait interdit de tenir un balai "parce que c'est pour les hommes", ladite Florence qui remonte le courant de son histoire et vient constater par les faits qu'elle n'est vraiment pas douée pour le ménage. Tout de même, après cette lecture, en faisant abstraction du ressort dramatique, tristo-comique, tiré du décalage entre deux milieux, je me dis quelque chose d’important. Je me dis qu'il devrait y avoir un statut d'intermittent de la propreté.

08 June 2010

Et patati et patafisica

Toute qualité existe à part égale et inversement. La bonne humeur vide son sac. La forteresse habite ses habitants. Le rire de soi souffre du décalage horaire. Les possibles ne naissent pas. Les idées tombent au champ d'honneur. La foi coule à grosses gouttes. La liberté s'est trompée d'adresse.

26 May 2010

longs en bouche

Argousin | Atour | Babillard, Babillarde | Badauderie | Bailler | Bancroche | Barguigner | Bath | Béjaune | Billevesée | Brimborion | Brocard | Brune | Cagoterie | Capon, Caponne | Carabistouille | Caraco | Cautèle | Chemineau | Clampin | Coquecigrue | Débagouler | Déduit | Derechef | Diantre! | Ebaudir(s') | Esbigner(s') | Etalier | Faix | Faquin | Fess-mathieu | Fi! | Fla-fla | Flambard | Flandrin | Fortifs | Gandin | Génitoires | Goguenardise | Gommeux | Goualante | Gourgandine | Gourme | Grimaud | Gueux, Gueuse, Gueuserie | Hommasse | Huis | Icelui, Icelle | Jean-foutre | Jocrisse | Jouvenceau, Jouvencelle | Lupanar | Macache | Mafflu, Mafflue | Manant | Mâtin | Matutinal, Matutinale, Matutinaux | Melliflu, Melliflue | Mirliflore | Momerie | Moult | Nasarde | Nénette | Nitescence | Opiniâtrer(s') | Patache | Pauvresse, Pauvret, Pauvrette | Peccamineux, Peccamineuse | Pékin | Pendard, Pendarde | Péronnelle | Pétuner | Potiner | Potron-minet | Priapée | Purotin | Quia (à) | Radeuse | Rastaquouère | Ribote | Robin | Rufian | Saperlipopette! | Sapience | Scrogneugneu | Seoir | Septentrion | Subséquemment | Suivez-moi-jeune-homme | Tire-laine | Toquer | Torche-cul | Tranche-montagne | Trotte-menu | Turlutaine | Valétudinaire | Venette | Vétille, Vétiller, Vétilleux, Vétilleuse, Vétillard, Vétillarde |

indicible

cqfd

07 April 2010

Que faire avant de revoir l'être aimé?

S'épiler bien sûr (mais il ne faut pas le dire), faire la vaisselle? Non vraiment pas intéressant, mais écrire, rêvasser, cuisiner, partager des dés à coudre de mirabelle à 50°C avec une amie, oui, faire des trous dans ses vêtements pour ne pas devoir les remettre, penser du bien de plein de monde, sourire dans la rue et faire claquer ses talons, éviter de les coincer entre deux pavés en s'imaginant que c'est la seule chose qui compte au monde, bref, aimer chaque fourmi qui passe et lui faire grâce, réussir à préserver la fourmi tout autant que le talon égoïste, se sentir invincible donc, imperméable aux circonstances et embrasser les obstacles comme autant d'annonciateurs de vertus érigées, de promontoires libérateurs et de tremplins jubilatoires.

13 March 2010

Tout est dans l’énoncé

Vivre, dans notre espace-temps, c’est dérouler l’ADN de l’énoncé. S’il n’y avait pas cet espace-temps je pourrais m’en tenir à aimer l’énoncé.

07 March 2010

D'après Pétrarque (en moins guerrier)

Au milieu de ces bois luxuriants et sauvages
Où ne vont qu’en tremblant même les enjôleurs
J’avance dans le ravissement
Et le soleil d’amour m’offre son éclairage

Dans mon horoscope vaginal hier...

... il y avait des fruits, du sucre et toute une rôtisserie, des indiens sur la plage, et la possibilité d’un avenir meilleur.

Et dans celui du jour : "Vous devriez voir la vie en rose au lieu de vous répéter : je n’ai rien à me mettre."

20 February 2010

Chère Lizzy – Bruxelles online

Chère Lizzy,

Les rencontres virtuelles tu sais, c’est drôle parfois, c’est dégoûtant souvent, c’est comme être obligée de se frotter toute nue dans la foule à des tas de gens qui ne t’attirent pas. Parfois l’élu arrive, avec sa cape et son masque, et tu es certaine qu’il a mis sa cape et son masque pour te plaire et te divertir, en fait c’est toi qui les lui as collé dessus et le pauvre n’en peut rien. Les rencontres virtuelles sont injustes pour les gens non photogéniques parce que leurs photos ne seront pas flatteuses ; elles sont injustes pour les gens photogéniques parce que leur photos mèneront l’autre à la déception et les gens photogéniques à se tordre la cheville en tombant de leur piédestal. Cela dit dans ce que les gens non photogéniques et les gens photogéniques appellent la vraie vie, ça se saurait si on savait tout ; il n’y aurait pas de divorce et il n’y aurait même pas de mariages du tout! Que vivent les mirages donc ; ils prolongent l’état de grâce, la profilogénie, le génie tout court de l’autre que nous mourrons d’envie de lui attribuer.

Faussement désenchantément vôtre,

Lizzy

13 February 2010

Anti-mémoire

Les humains essayent d'oublier leurs malheurs individuels et il est presque grossier d'en parler. Il faut penser positif, ne pas se plaindre, vivre, agir et avancer. En revanche ils font de gros efforts pour se souvenir collectivement de leurs malheurs collectifs, ceux qui appartiennent au passé, pour disent-ils, que cela ne se reproduise plus jamais. On invoque le devoir de mémoire, si pas curatif, préventif. Comment peut-on prévenir ce qui est déjà arrivé? Figer l'événement et le maintenir présent dans les consciences n'aurait-il pas l'effet inverse de celui recherché? A-t-on déjà essayé de ne pas se souvenir pour ne pas recommencer?

30 January 2010

And life goes on

Je ne dois pas oublier
Le petit fleuve qui s'enfuit
Liste de courses ou course de listes, le trivial se poursuit.
Il n'empêche, j'en ferai de la littérature, comme du reste.
Le style empire.