24 April 2009

Je n’aime pas les chats sauf les miens

Je n’aime pas les chats sauf les miens, et encore. Je ne me souviens pas avoir aimé profondément un animal. Le seul qui m’ait ému particulièrement c’était un marabout, dans un zoo, (of course, pas dans un de ces pays où je n’ai hélas encore jamais mis les pieds, ambitieuse inculte que je suis), un marabout donc, qui tournait le dos à ses visiteurs, son petit crâne chauve piqué de cheveux hirsutes et solitaires, penché sur quelque réflexion. Son manteau noir, son crâne rose et sa posture méditative m’ont rendue amoureuse et j’avais envie de rester là près de lui. Doux délires anthropomorphiques… J’ai compris un peu plus tard que j’aimais dans ce marabout la figure grand-paternelle aux cheveux gris. Mon grand-père, ce hors-la-loi que j’ai tant aimé. Donc c’est clair, je n’aime pas les animaux. J’aime les bébés animaux comme tout le monde, pour leur innocence, comme un cadeau à observer, comme un état à portée de main et pourtant inaccessible. Mais j’ai besoin d’entrer en relation avec les êtres vivants, d’échanger avec eux. A la limite je m’entends mieux avec les arbres puisqu’ils n’émettent aucun son audible par mon oreille humaine, et qu’ils sont relativement immobiles quoique capable de grandir de plusieurs mètres et de vivre des centaines d’années ; je ne peux pas en dire autant. Puisqu'ils ne sont pas censés parler et qu'ils ne viennent pas se frotter contre moi, je n'ai rien à exiger d'eux. J’aime le silence des arbres et leur pose, promesse d’une sagesse et d’une connaissance incommensurables. A la manière de ce marabout sans doute. Je ne suis pas très affectueuse avec mes chats, les pauvres. J’en ai voulu deux d’un coup pour qu’ils ne s’ennuient pas. Les enfants en réclamaient depuis longtemps. Ils m’ont apprivoisée et désormais je sais que je serais triste de leur absence. Je le sais parce nous les avons perdus une fois. C’était angoissant. L’un est revenu après cinq jours, l’autre trois semaines. Toute existence terrestre suppose une disparition subséquente. D’autres le disent ainsi : on va tous crever. C’est dur quand on y pense. Avant la présence, il y a l’innocence, ne pas savoir qu’il y aura. Pas de souffrance donc. Quand on souffre du manque d’un amour ou d’un enfant qui n’est pas encore arrivé, c’est qu’on l’a déjà élaboré dans sa tête, cet amour, cette personne. Elle existe dans notre esprit et elle nous manque de ne pas être incarnée. La mort à l’envers ? Comme le chante Björk : I miss you, but I haven’t met you yet… Mes chats sont adorables ! Ils ont des lubies. L’un lèche inlassablement des sacs plastiques et l’autre se précipite entre vos jambes dès que vous sortez de la douche pour se frotter sur la peau mouillée. Ces choses-là n’existeront plus un jour mais on ne pourra jamais leur ôter d’avoir été. C’est là que la mémoire intervient, vilaine mémoire qui ne fait pas que du bien. Mais j’en parlerai une autre fois.

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